Cette insistance à affirmer son dédain pour O. M. n’a rien à voir avec le cinéma. Cette démarche collective est une réaction à l’assignation en justice reçue par Eric Dupin (blog presse-citron.net), éditeur et hébergeur de fuzz.fr, un agrégateur d’informations de type Digg, où les utilisateurs peuvent proposer des liens, accompagnés de quelques mots d’accompagnement, qui seront ensuite soumis à l’approbation des internautes de passage. Les différentes informations sont alors hiérarchisées en fonction des appréciations laissées, le haut du panier gagnant l’insigne honneur d’apparaitre en page d’accueil du site.
L’un des membres de Fuzz a récemment posté un lien vers une page Web véhiculant des informations qui, selon son avocat, porteraient atteinte à O. M. Dans la mesure où Fuzz affiche qelques publicités, la volonté de s’enrichir en diffusant des informations répréhensibles est avancée. Conséquence : les plaignants réclament environ 35.000 euros de dommages et intérêts à Eric Dupin, qui n’a sans doute jamais rêvé de gagner un jour de telles sommes avec un site comme Fuzz.
Si Eric Dupin avait, de son propre chef, publié ces informations sur son blog, il appartiendrait à un juge de déterminer leur éventuel caractère calomnieux, et de prendre une décision en conséquence. Ici, Dupin n’agit qu’en tant que prestataire de service, un hébergeur, et devrait donc se voir protégé par la loi sur la confiance dans l’économie numérique, ou LCEN. Celle-ci précise en effet qu’un hébergeur ne saurait voir sa responsabilité engagée dès lors qu’il n’est pas au courant de la diffusion de contenus litigieux sur son service, et qu’il les supprime avec la plus grande célérité lorsqu’on lui signale leur existence.
Eric Dupin affirme n’avoir reçu aucun avertissement, ou demande de suppression, auquel il aurait donné suite sans tarder. Assignation en justice directe, sans sommation : le procédé n’est pas heureux, premier motif de mécontentement.
Second point où le bât blesse : l’information litigieuse n’a pas été publiée directement sur le site Fuzz, mais mentionnnée, avec un lien hypertexte et succincte description. Fuzz ne l’a donc pas à proprement parlé hébergée : il l’a relayée, ou diffusée, ce qui du point de vue des plaignants, ne fait aucune différence. Vue de l’autre côté de la lorgnette, cette distinction change pourtant la donne. De la même façon qu’un Dailymotion n’est pas condamné lorsque des internautes profitent de son service pour diffuser des vidéos soumises au droit d’auteur (affaire Lafesse), Eric Dupin ne devrait pas faire les frais de la publication, sur un autre site que le sien, d’un texte potentiellement condamnable, au seul motif que celui-ci a été repris sur Fuzz.
A l’heure où croissent des services estampillés « Web 2.0 » qui tous ou presque reposent sur les concepts de syndication, d’agrégation et d’utilisation croisée des contenus, l’affaire prend une tournure inquiétante aux yeux de bon nombre d’observateurs du phénomène Internet. La condamnation d’Eric Dupin pourrait motiver d’autres procédures du même genre, et attiser les appétits de certains avocats avides de notoriété et d’honoraires.
Lespipoles.com, Wikio (sauvé par un vice de procédure) et maintenant Fuzz : il y a des raisons de craindre que l’on étrangle le Web français. Le simple fait d’autoriser la publication de contenus tiers sur son site, qu’ils soient agrégés de façon automatique depuis un autre site (principe du RSS) ou laissés par les internautes (commentaires de blogs par exemple), pourrait porter préjudice à l’éditeur. Faudrait-il alors appeler une révision de la LCEN, afin qu’elle délimite plus clairement les droits et les devoirs de celui qui héberge ou édite des contenus sur le Web ?
Sur la forme
En quelques jours, plusieurs dizaines de bilets intitulés « je n’aime pas Olivier Martinez » ont été postés sur la Toile en réaction à cette affaire, avec l’objectif non dissimulé de porter préjudice à la réputation de cet acteur, l’idée étant que l’internaute lambda qui effectue une recherche Google sur son nom ne pourra pas manquer de découvrir les dessous de cette « ténébreuse affaire ». On trouve aussi de subtiles variantes. Dans l’une, « déteste » remplace « n’aime pas ». Dans l’autre se retrouve embringué un malheureux hamster. Enfin, un opportuniste n'a pas manqué de reprendre à son compte le fameux "Leave Britney Alone", depuis décliné en "Leave Laure Manaudou Alone", avec un "Leave Olivier Martinez Alone". Point d'opportunisme là dedans, allons, quel mauvais esprit !
Pour soutenir Eric Dupin, vilipendons Olivier Martinez, et organisons une fatwa collective ?
Olivier Martinez m’indiffère. Je ne l’aime ni ne l’abhorre et ne crois avoir vu de sa filmographie que SWAT, une super production américaine où des super flics bottent le cul de super méchants. Bref, le genre de films que j’oublie deux heures après les avoir vus, sauf peut-être lorsque la blonde pulpeuse est particulièrement bien siliconée. Olivier Martinez a donc fort logiquement suivi le même chemin que SWAT dans mon esprit : direction les oubliettes.
L’affaire Fuzz m’ennuie, pour les différentes raisons évoquées ci-dessus, parce qu’elle fait planer un voile d’incertitude autour de notions primordiales dans le développement du Web. Et pour autant, je ne me sens pas d’aller cracher sur Olivier Martinez, et le déchainement collectif observé ces derniers jours me laisse un arrière goût quelque peu saumâtre.
Sans aller, comme Cyrille de Lasteyrie (dsl si ortho massacrée), jusqu''à évoquer sur un ton larmoyant des parallèles historiques tout à fait déplacé, je n’aime pas lorsque les masses se mettent en branle sans réfléchir. Suivre ses impulsions à titre individuel, ok. Mais la mouvance collective donne souvent de mauvais résultats.
D’autant que comme le souligne C. de L., aka Vinvin, la démarche de Martinez est compréhensible. De la même façon que les stars n’hésitent pas à dégainer l’arsenal judiciaire face à un Voici ou un Gala, il estime que les sites web, amateurs ou professionnels, n’ont pas à venir empiéter sur sa vie privée. Alors il prend les armes qu’il a à sa disposition, à savoir, je suppose,un portefeuille bien garni et un avocat aux dents longues. Martinez se contrefout sans doute du Web 2.0 et de la syndication de contenus. Après tout, il défend son bifteck, comme beaucoup d’entre nous le feraient si leur image ou leur vie privée étaient directement attaquées.
Certes, peut-être regrettera-t-il sa démarche s’il lit ces vingt ou trente billets moqueurs. Cela ne retire rien au bien fondé supposé de son action.
Maintenant, que gagne la communauté du We avec une telle action ? Le cas Fuzz / Dupin sera prochainement jugé, et ces quelques rodomontades n’y changeront rien.
A 16 heures vendredi, une requête Google sur le nom Olivier Martinez ne retournait aucun des billets de soutien à Eric Dupin en première page, sa fiche Wikipedia restant indétrônée. En revanche, divers médias se sont fait l’écho de cette campagne de dénigrement. En se focalisant plus sur la réaction d’une communauté de blogueurs, la « forme », que sur le fond véritable de l’affaire et ses implications.
Quel sera le bénéfice ? Montrer que la blogosphère est une force avec laquelle il faut compter ? Que l’on ne peut impunément s’attaquer au cinquième pouvoir citoyen ? Internet bouleverse peut-être la politique, mais je ne crois pas qu’une poignée de blogueurs, si influents soient-ils, bousculent le cours de la justice.
« Saint-pierre-des-corps, trois minutes d’arrêt ». La suite une fois le verdict rendu ?
1 De EtienneB - 22/03/2008, 15:11
Déjà, il n'y a pas de syndication de contenu sur fuzz, il n'y avait qu'un lien déposé par une personne qui n'est pas Eric Dupin.
Non, la méthode d'Olivier Martinez n'est pas bien fondée, car il attaque sans avoir demander avant la suppression du lien ce qui est prévu par la loi de confiance en l'economie numérique.
Ensuite, je ne pense pas que ce soit un fatwa, plus une manifestation virtuelle. Comme tu le dis, quelqu'un qui recherche "olivier martinez" dans google verra les articles dont il n'aurait probablement jamais vu une ligne sans cette manifestation. "J'aime pas Olivier Martinez" attire l'oeil, c'était le but.
2 De greg0ry - 22/03/2008, 22:29
Bon, super article, mais en parlant sérieusement tu pourrais centré les images dans tes billets !
Parce-que là, voila quoi !!!
3 De Phinebacker - 24/03/2008, 00:38
Je soutient Eric, car tu l'as souligné dans ton post, il n'est pas l'auteur de l'article à l'origine de l'action juridique d'OM. L'auteur étant identifié il serait facile à OM de régler ses comptes avec lui directement.
Je ne pense pas qu'OM défende son bifteck, mais tente plutôt de se faire de l'argent facile sur le dos de quelques acteurs du web2.0 profitant de l'incertitude juridique qui couvre ce nouveau "ouest sauvage" qu'est le web.
Je n'était pas au courant de ce mouvement visant à "punir" OM au travers d'un google bombing. La encore je te rejoins, c'est stupide et contre-productif. Cela ne changera pas l'avis du juge.
Cela contribuerait plutôt à renforcer notre 'image de "pirates" ne respectant rien, ni la propriété intellectuelle des artistes, ni leur vie privée à force de rumeurs et de calomnie, qui est véhiculée à l'extérieur de la netosphère.
4 De Alex - 24/03/2008, 15:24
EtienneB : d'accord avec le fait qu'il n'y a pas de syndication sur Fuzz. Je ne l'affirme d'ailleurs pas.
Egalement d'accord avec le fait que passer à l'assignation sans avoir d'abord demandé le retrait du lien incriminé n'est pas correct. C'est peut-être même ce qui permettra à Eric Dupin d'échapper à une condamnation.
En revanche : condamnation quasi-unanime, par des gens qui ne sont pas forcément habilités à juger et qui le font sans connaitre tous les tenants et aboutissants, avec campagne de dénigrement systématique, même si ce n'est qu'une "manifestation virtuelle", je ne suis pas fan.
Gregory : L'abus de Wordpress a fait que j'ai perdu les réflexes les plus élémentaires sous Dotclear, mea culpa ;-)
Phinebacker : contrairement à toi, je ne pense pas qu'OM cherche forcément à se faire de l'argent facile. L'appât du gain rentre peut-être en ligne de compte, mais qu'une personnalité publique cherche à défendre son image ne me parait pas choquant, et pas inapproprié. En cela je ne critique pas sa démarche.
Après, rien ne permet d'affirmer qu'il a lui-même choisi les cibles de ces attaques, peut-être a-t-il été (plus ou moins bien) conseillé par un avocat...
D'accord avec toi sur le fait qu'une évolution de la LCEN visant à mieux définir ses enjeux, notamment en terme de publication en ligne, de respect de la liberté d'expression et des responsabilités qui incombent à l'hébergeur, à l'éditeur ou au simple visiteur d'un site ou d'un blog, est tout à fait nécessaire !
5 De matt - 14/04/2008, 16:26
A Alex :
30 000 euro est demandé, ce n'est pas 1euro symbolique.
L'huisier a tapé directement les URL des 17 sites sans faire aucune recherche, sans passer par des sites de références! Coup de chance ?
L'acteur n'attaque pas à de vrais sites d'éditeur connu.
Sur certains site, le lien n'est visité que par deux vrais internautes.
Sur ces faits, ai-je le droit de dire que OM abuse? Si oui que dois je faire pour éviter que de tels abus (je ne serai pas content de perdre mes journées devant le tribunal, ni de payé un avocat)?