If you come to San Francisco...

Salut frenchy ! J'interromps le long silence qui a envahi ce blog pour un petit avertissement de routine. Il se pourrait qu'une fois, tu décides d'aller passer quelques temps à San Francisco, pour des vacances ou pour ton travail. Ce jour là, il y a fort à parier que tu remonteras Market Street entre le Civic Center et Powell Street, tout simplement parce que c'est un chemin qu'empruntent tous les touristes en goguette.

Si tu es matinal, tu rencontreras en arrivant sur le Civic Center un petit marché tenu par des asiatiques. On vient y acheter des fruits, des légumes et des poulets, ça sent fort et ça fait du bruit, tu devrais te sentir dépaysé et donc apprécier la balade.

Pendant le temps que tu vas passer à reluquer le local faire son marché, il se pourrait que tu te fasses accoster par un sans abri, qui va tenter de te taxer de quelques pièces ou d'une clope. Ils sont nombreux dans le coin, à moins d'avoir vraiment une gueule de raie, impossible que tu y échappes. Chacun mène ses bonnes oeuvres comme il l'entend. Je te laisserai décider par toi même ce qu'il convient de faire, mais je me permettrais tout de même un petit conseil.

Imaginons que d'aventure tu voies débarquer un vieux Noir, barbe blanche et écharpe rouge, un journal gratuit sous le bras. Si c'est la saison, pas impossible que tu le voies éplucher amoureusement une clémentine, il adore ça et pourrait passer sa journée à en bouffer. Au dessus des odeurs de la rue, tu distingueras sans doute dans son sillage quelques relents d'herbe froide.

Ayant repéré ta dégaine de touriste, il va s'approcher de toi et t'alpaguer. Gentiment, avec une grosse blague, histoire d'engager la conversation. Te demander par exemple si tu es photographe, vu que tu te trimballes en permanence ton reflex comme s'il t'avait été greffé à la mimine. Bonne pâte, tu devrais lui répondre que non, que tu n'es qu'un petit mec qui passe par là, se balade. Lui te dira qu'il ne fait pas de photo, mais qu'il est tout de même un artiste et te proposera de te réciter quelques poèmes.

Le deal, tu le connais : quelques vers de mirliton en échange de quelques pièces. Pourquoi pas l'accepter ? Pendant quelques minutes, tu entendras parler d'amours perdus, de soleils qui se couchent et de nuits passées à pleurer. Puis viendra le moment où normalement tu mets la main à la poche, et où tout le monde se sépare bons amis : le premier part vers les grands magasins de Powell Street ; le second traine encore un peu avant de s'enfoncer dans les ruelles alentours chercher de l'inspiration pour ses futurs poèmes. Sauf que le zig ne se presse pas. Aujourd'hui, il fait beau, et on est bien sous le soleil de janvier. Alors il cause. Te raconte qu'il aurait bien aimé venir à Paris, lui qui adore les peintres romantiques, mais que la vie en a décidé autrement. Il va et vient, divaguant presque, dans un flou d'autant plus prononcé que tu ne captes pas tout ce qu'il raconte.

A la fin, il aura peut-être cette drôle de requête : "Tu sais quoi ? Prends moi en photo, là, contre l'arbre. Et quand tu seras rentré chez toi, tire cette photo et mets là dans ton appartement. Quand tes amis viendront chez toi, ils te demanderont qui c'est ce vieux Black que tu as sur ton mur, et tu pourras leur dire qu'il déclamait des poèmes stupides sur Market Street, ça te fera une histoire à raconter".

Tu n'auras sans doute pas compris son prénom, vu qu'il boulottait un quartier de clémentine au moment où vous échangiez les civilités, mais tu devrais suivre son conseil : tu auras une vraie belle histoire à raconter, plus longue qu'il ne le pensait.

Old Fellow

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