Humour et mauvais goût : doit-on censurer ?

caricaturesJe ne me lancerai pas dans une longue dissertation sur ce triste fait d'actualité : des milliers de musulmans s'insurgent, à Jérusalem, en Irak, en Indonésie ou au Mali, contre la parution, dans plusieurs journaux européens, d'une série de douze dessins caricaturant, parfois de façon outrancière, le prophète Mahomet. Dernier en date, France Soir, quotidien pour lequel je n'ai guère d'afffection mais sur lequel je m'abstiendrais de taper vu la triste situation qui est la sienne (placé en redressement judiciaire depuis le 31 octobre dernier). Conséquence immédiate : Jacques Lefranc, directeur de la publication, limogé. Un "signe fort de respect des croyances religieuses et des convictions intimes de chaque individu" selon le propriétaire du titre, l'égyptien Raymond Lakah. Suivi de la démission d'Eric Fauveau, qui devait le remplacer.

Ces douze dessins ont initialement été publiés dans le quotidien danois Jyllands-Posten, le 30 septembre dernier. Peut-être aurait-il fallu les reprendre à ce moment-là, pas quatre mois après... Je joins à ce billet une capture volontairement dégradée de la page concernée, récupérée sur l'encyclopédie Wikipedia.

Depuis la publication de ces caricatures, blogs, médias et rhéteurs divers sont en ébullition. L'indignation qui saisit bon nombre de représentants de la communauté musulmane est-elle justifiée ? Doit-on cautionner ces dessins au nom de la liberté de la presse ? Comme toujours, difficile de trancher. Impossible même : il est compréhensible que les Musulmans ressentent ces caricatures comme un blasphème, tout comme il est normal que la presse ait le droit de manier l'aiguillon, de déranger, voire de choquer. Doit-on interdire les représentations outrancières d'un pape grabataire dans des canards comme Charlie Hebdo ? Non, même si là, ce n'est pas un homme mais un symbole qui est touché.

Pour moi qui suis athée (enfin, disons agnostique), ces dessins ne semblent pas choquants. Si, choquants, mais pas outre mesure. Cette affaire et l'effervescence qui l'entoure n'est pas sans rappeler une autre affaire, moins tonitruante celle-ci, qui concernait la publication sur un blog d'un dessin "humoristique" au sujet des attentats qui ont frappé Londres au lendemain de l'attribution des JO de 2012.

Le billet concerné a depuis été supprimé, mais vous savez comme moi que le cache de Google fait des merveilles. Loic Le Meur s'était indigné dans un bref billet du fait qu'un blogger se permette d'ironiser sur cette catastrophe. Ce dessin est ignoble, certes, tout comme sont ignobles les blagues sur les Juifs, les Arabes ou les tétraplégiques. Et tout comme elles, il est à même de faire rire, ce que certains internautes de passage n'ont pas manqué de souligner. Parmi eux, Christophe Grébert, qui en connait un rayon sur la question. Si, si, vous savez, Monputeaux.com ! (jugé aujourd'hui d'ailleurs). Le même blogger (Y€S), récidive, et affiche en gros sur sa home les douze caricatures. Un flot de commentaires s'en suit : une moitié de messages insultants, l'autre de commentaires amusés devant cette manifeste provoc'.

Entre les Garfiedd, les MonPuteaux, les caricatures de Mahomet et les compte-rendus de conférence indigestes... des fois on se sent fatigué. Alors je vais plutôt aller m'en jeter un petit aux côtés du lutin, et advienne que pourra. La liberté d'expression est un des fondements de nos tristes démocraties. Et tant pis si des fois ça fait mal. Merde à la fin. Il arrive qu'on bafoue mes valeurs, il arrive qu'on insulte ceux que l'aime ou ce en quoi je crois. il arrive même qu'on m'insulte moi, et à bon escient encore, c'est vous dire :) Hé ben j'en chie pas une pendule.

Finalement, un dernier mot. Je citerais l'édito du Monde d'aujourd'hui : "Un musulman peut être choqué par un dessin, surtout malveillant, de Mahomet. Mais une démocratie ne saurait instaurer une police de l'opinion, sauf à fouler aux pieds les droits de l'homme".

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